En rentrant de l’hommage à Paul hier et après vos prises de parole, je me suis demandé ce que j’aurais bien pu vouloir dire. Je vous livre, parce que ça fait du bien de partager, le fruit de mes rêveries.
Message à l’automobiliste derrière moi :
Je ne suis pas là par plaisir. Quand je veux pédaler tranquille, je pars loin d’ici, je choisis des routes sans circulation. Je suis là parce que je vais travailler, ou je vais faire mes courses. J’ai fait le choix de me déplacer à vélo pour mon portemonnaie, pour ma santé, pour nos impôts, pour notre air, pour laisser la place dans le trafic aux artisans, aux vieux, aux gens qui viennent de loin, à tous ceux qui ne peuvent pas faire autrement. Certaines personnes veulent nous faire acheter toujours plus de voitures, mais il n’y a déjà pas assez de pétrole, pas assez de minerai, et plus assez de place sur les routes.
Alors je sais, parfois je t’agace : j’anticipe le feu vert d’une ou deux secondes, je n’emprunte pas cette voie verte qu’on a construite pour moi sans me consulter, je te double par la droite quand tu es collé à la ligne médiane. Tout ça, c’est 40 ans de vélo et mon instinct de survie qui me le recommandent : il faut mettre de la distance entre les voitures et moi. On n’a jamais vu un vélo assommer un conducteur.
Si tu continues à me coller aux fesses, à me frôler, à vitupérer, à me faire des queues de poisson, je reprendrai ma voiture. Car oui, je suis aussi automobiliste, je ne suis pas cet écolo-bobo-chômeur que Bolloré t’a vendu, je suis un salarié lambda. Rien ne justifie que je finisse comme les 3000 cyclistes tués ou blessés graves chaque année, sous les roues de conducteurs colériques et imprudents.
Dans ma voiture, une de plus dans la file, je serai devant toi, puisque je suis parti plus tôt et que tu es derrière. Je viendrai encombrer ton chemin sans que tu puisses me doubler. Je vois bien pourtant que tu es plus serein, arrêté au feu rouge, qu’après cinq secondes derrière moi : tu m’as doublé, énervé, tout à l’heure, je t’ai re-dépassé au feu et tu étais déjà plus détendu. Mais réfléchis bien : si tu veux continuer à conduire peinard, ton intérêt, c’est qu’il y ait un maximum de gens comme moi, qui laissent leur voiture et la place qu’elle prend sur « ta » route.
Alors calme-toi, Monsieur, ça va bien se passer.